En effet, une énergie s'apprécie toujours par rapport à ses alternatives. La France du XIXe siècle et XXe siècle est marquée par sa pauvreté en charbon par rapport aux voisins allemands et anglais, c'est une des raisons pour lesquelles l'hydraulique (houille blanche, houille verte) a bénéficié d'un puissant élan national. Et pour le petit producteur des moulins, la question était de savoir si un système hydromécanique puis hydroélectrique lui permettait un gain de rendement par rapport à la force animale / humaine ou à l'option machine à vapeur, ce gain justifiant l'équipement. Cette configuration a changé dans les années 1950-70, avec l'émergence d'un marché du pétrole puis gaz très bon marché et, bien sûr, avec l'élan nucléaire qui a remplacé l'élan hydraulique comme singularité nationale.meunier a écrit : 1. Tout d'abord, je pense qu'au debut du siecle, l'energie etant rare et chere, equiper une "petite" chute par une turbine meme tres couteuse mais d'une duree de vie tres longue (1 siecle) etait un bon investissement (parfois c'etait presque vital). Aujourd'hui l'energie est bon marche, equiper une "petite" chute peut ne pas etre rentable au sens ou l'on demande un retour sur 10 ans... Je pense tout simplement que l'esprit et les besoins n'etaient pas les memes. Je possede deux petites turbines de type Francis (environ 20 kW et 7-8 kW) pour mon usage domestique. Elles ont ete installees dans les annees 30-40, produisent depuis cette date, ont ete correctement entretenues et fonctionnent donc toujours. La qualite des materiaux utilises etait tout a fait exceptionnel. Malgre toutes les qualites de ces machines leur rendement n'est plus dans les standards actuels.
Il reste que cette configuration énergétique a de nouveau changé, puisque l'élan nucléaire a trouvé ses limites d'acceptabilté vu les risques d'accident avérés. Et que le fossile crée à la fois une dépendance forte sur un marché de plus en plus tendu par la raréfaction des ressources conventionnelles et un risque (jadis inconnu) de changement climatique délétère. Raison pour laquelle on accepte par exemple de payer fort cher de l'électricité pas vraiment optimale (fatale et à faible densité surfacique) comme le solaire PV. C'est dans cette nouvelle configuration que se pose la question des petites chutes : sont-elles si négligeables si l'on intègre leurs avantages, comme on le fait pour les autres renouvelables (faible production de carbone, faible dépendance à des MP importées, niveau de prévisibilité de la production, rôle dans les pointes de consommation hivernales, etc.) ?
Une question intéressante posée par Fabien est : à l'heure où les industriels utilisent quand même massivement la CAO et la modélisation / contrôle numérique, surtout pour des petites lignes de production où cela permet de diminuer le coût de revient des unités produites, ces éléments (calcul des flux, profilage, découpage, assemblage, etc.) sont-ils condamnés à rester très coûteux ? (Très couteux par rapport à d'autres biens d'équipement qui eux aussi demandent du savoir-faire, de la matière première, de la main d'oeuvre, etc.). Tout site est certes unique, mais les lois présidant à la conception de la turbine pour ce site sont génériques (au sens où la physique ne change pas). Il existe aussi, comme sur tout marché et surtout micromarché, une asymétrie d'information entre le client final et les prestataires, notamment une inconnue sur les marges réelles dans les différentes étapes. (Un moyen relativement simple de dégrossir la réponse serait de savoir combien coûte réellement une turbine en sortie d'usine chinoise, indienne ou vietnamienne — question sûrement sacrilège à l'heure du redressement productif de l'industrie nationale, mais enfin si cette industrie nationale ne produit pas de biens adaptés à la demande, elle ne se redressera pas de toute façon.)Aujourd'hui les progres fait sur le rendement des turbines de type Kaplan ou Banki-Mitchell en font une alternative interessante pour les petites chutes. Ceci dit, penser qu'une turbine Banki-Mitchell n'est, je cite, "qu'un peu de mecano-soudure", est une erreur. Certes, il n'y a pas sur une turbine Banki-Mitchell les memes surfaces "gauches" que sur la roue et les directrices d'une turbine Francis neanmoins pour obtenir un bon rendement, les aubes doivent etre finement profilees et tres precisement assemblees (point crucial et tres delicat), le carter (certes mecano-soude) doit posseder un profil interieur particulier (en forme de spirale logarithmique) pour correctement guider l'eau pour atteindre les aubes avec un angle tres precis. La qualite des aciers (aujourd'hui de plus en plus couteux) est aussi un point important tout comme la qualite des assemblages qu'il ne faut pas negliger...